Le visage de MAGA
Les femmes les plus proches de Donald Trump abordent de plus en plus un visage uniformisé. Pourquoi le “visage MAGA” est devenu le standard du GOP, et que veut-il dire de l’état du parti ?
La gouverneure de Dakota du Sud Kristi Noem, l’influenceuse de l’extrême droite Laura Loomer, connue pour promouvoir des théories conspirationnistes racistes et l’une des conseillères de Trump lors de cette campagne, Kimberly Guilfoyle, la future ambassadrice en Grèce, et accessoirement la fiancée de Donald Trump Jr, sont toutes des femmes influentes au sein du parti républicain.
Elles ont aussi toutes l’air bien différentes aujourd’hui qu’elles ne l’étaient il y a à peine quelques années. Tracy Llanera, professeure en philosophie politique et sociale à l’Université du Connecticut étudiant les femmes extrémistes, appelle cela “le visage MAGA.”
L’archétype de la femme républicaine aux États-Unis précède l’arrivée de Trump de plusieurs décénies. Vous pouvez sûrement l’imaginer avant même de lire une description. Une femme, forcément blanche, aux cheveux lisses, volumineux et brillants, blonds ou à la limite, roux, et au sourire éblouissant, portant une robe montrant des mollets galbés et juste ce qu’il faut de décolleté.
Ce modèle a été codifié au minimum durant les années Clinton. En 1997, Roger Ailes arrive à la tête de la chaîne conservatrice Fox News. Ce dernier, qui a dû démissionner en 2016 après des accusations de harcèlement sexuel, insistait pour que toutes les femmes à l’antenne rentrent parfaitement dans le moule de “femmes blanches attirante”. Il est aussi celui qui a mis en place la “leg cam”, ce long travelling permettant de mettre en avant les jambes des présentatrices.
“White Power Barbie avec un flingue”
Mais l’image des femmes républicaines a définitivement évolué depuis l'avènement de Donald Trump à la tête du parti. L’ancien propriétaire du concours de beauté Miss USA n’a jamais ne serait-ce que prétendre qu’il aime être entouré de femmes attirantes. Ni même ce qu’il considérait comme attirant. En février 2017, quelques semaines après le début de son mandat, on apprenait ainsi que le nouveau président insistait durant sa campagne que les femmes travaillant pour lui “s'habillent comme des femmes.” Selon Richard Thompson Ford, professeur de droit à l’université de Stanford et auteur du livre Dress Code : How Fashion Laws Made History, Donald Trump recherche des femmes “stéréotypiquement hyper-féminines et traditionnellement européennes qui signale, dans la majorité des cas, une forte adhésion aux valeurs de genre traditionnel dans lesquelles les femmes sont estimées plus pour leur physique que leur capacités intellectuelles.”
Dr. Llanera décrit la “femme parfaite” selon Trump comme ayant “des pommettes très relevés et sayantes, un visage lisse, dénué d’émotions, souvent assez bronzé, des dents parfaites et blanches et des lèvres très pulpeuses.” Pour elle, cet archétype est aussi “évidemment historiquement associé avec la culture blanche. Je ne pense pas qu’une femme noire, même si elle avait toutes ses charactéristiques auraient accès aux mêmes privilèges qu’une femme blanche.”
Les femmes politiques républicaines, aussi soucieuses que n’importe qui d’autres dans le parti de s’accorder les bonnes grâces de Donald Trump. Pour faire cela, Dr. Llanera estiment qu’il existe “ des deux options pour les femmes d’extrême droite aujourd’hui. Vous avez la trad-wife, qui joue le rôle de la femme subordonnée à l’homme telle qu’elle était dans les années 50 mais qui par définition ne peut pas avoir de pouvoir politique. Ou vous avez ce qui pourrait être décrit comme ‘white power Barbie avec un flingue’ qui est beaucoup plus sexuelle et sexualisée et qui a l’autorisation de parler.”
Il est dans l’intérêt pour les femmes politiques de se rapprocher le plus possible de cet idéal féminin, quitte à forcer la nature. “La plupart du temps, le recours à la chirurgie esthétique est assez évident,” considère Dr. Llanera, “si ce n’est parce que toutes ces modifications ne peuvent avoir lieu naturellement.”
L’accès aux soins, un symbole de richesse comme un autre
Elle estime d’ailleurs que la discrétion n’est pas forcément un but désiré par ces transformations. Comme elle le fait remarquer, aux États-Unis, où il n’existe pas de couverture universelle des soins de santé, l’accès aux soins est un marqueur social comme un autre. Dans une société où n’importe quelle opération peut être trop onéreuse pour une grande partie de la population, “montrer qu’on peut volontairement se faire opérer, pour des raisons esthétiques de plus et non de santé, signale de manière assez forte qu’une personne est à l’aise financièrement.”
Ce symbole de richesse n’est pas forcément à confondre avec un signe de bon goût. Richard Thompson Ford qualifie ainsi le look de “très nouveau riche.” Dire que Donald Trump n’a pas de goût, ou, en tous cas, pas le goût qu’on pourrait attendre de quelqu’un venant de sa classe sociale, n’est pas une opinion controversée.
Déjà en 2009, le comédien John Mulaney se moquait de celui qui était alors connu pour son émission de télé-réalité The Apprentice pour cela. Dans son spectacle The Top Part, John Mulaney considère que : “Donald Trump n’est pas un tant un homme riche plus qu’il est l’idée qu’un clochard se fait d’un homme riche, vous savez ? C’est comme si, il y a des années, Trump a marché dans une ruelle et il a entendu un type dire ‘Ho-ho ! Dès que je gagne au loto, je vais construire des gratte-ciels avec mon nom dessus. Et j’aurais des fins cheveux d’or, et une émission de télé avec mes enfants dans laquelle je virerai des gens’ Et Trump était genre ‘C’est comme ça que je vais vivre. Merci, clochard, pour ce plan.’”
Le choc comme stratégie politique
“Criard” est l’adjectif utilisé par la Dr. Llerena, un qualificatif qui peut pour être honnête s’appliquer à la majorité du parti républicain post-Trump. “Finalement, il y a peu de différences avec les discours de Trump. Même si vous n’aimez pas ce que Trump dit, il est difficile de l’ignorer. De la même manière, vous pouvez vous moquer de Laura Loomer ou du nouveau visage de Kristi Noem, mais avouez que si vous les voyiez dans la rue, vous les regarderiez. Le choc est une stratégie politique et elle a toujours marché pour Trump.”
Les femmes ne sont même pas les seules à adopter cette stratégie. Matt Gaetz, l’ex-représentant à la Chambre un temps candidat pour le poste de Procureur Général et actuel prédateur sexuel, a aussi les traits bien tirés ces derniers temps. Pour Dr. Llerena, la transformation est aussi “évidente”, mais si elle le surprend puisqu’elle “ne semble pas vraiment le rendre plus masculin, ce qu’on pourrait attendre pour un trumpiste. Ma meilleure théorie est qu’il voulait paraître plus jeune qu’il ne l’est.” Une perspective terrifiante quand on parle de Matt Gaetz, mais qui n’a aussi peut-être rien à voir avec la politique.
Ce désire de se démarquer du reste de la population est d’ailleurs une autre chose qui rend cette tendance unique. Comme le rappelle Richard Thompson Ford dans les démocraties modernes, et dans l’histoire des États-Unis, les politiciens n’ont généralement pas intérêt à trop se démarquer : “les hommes politiques portent le costume cravate, mais il ne faut pas qu’il ait l’air trop cher. Et pour les femmes, c’est encore pire, puisqu’il faut qu’elles aient l’air présentables sans être trop bien habillées ou maquillées, par peur qu’elles soient taxées d’être trop superficielles. De manière générale, il est assez mal vu, pour un homme ou une femme politique, de paraître trop riche ou tape à l’oeil.” Selon lui, “historiquement parlant, ce sont plus dans les systèmes monarchiques et aristocratiques qu’on retrouve une classe dominante qui essaye aussi fortement de se démarquer physiquement du reste de la population.”
Pour la Dr. Llanera, la métaphore peut même aller un peu plus loin : “De la même manière que le Louis XIV à Versailles était l’unique personne dictant le bon goût à Versailles, Donald Trump est désormais celui qui dicte ce qui rend une femme belle dans le parti républicain.”